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Le Bulletin de notes d’Emmanuel Macron en matière de numérique

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Quand Emmanuel Macron a pris le pouvoir en France, les technophiles d’Europe ont cru à une forme de miracle. Âgé de 39 ans, propriétaire de deux iPhones et réputé comme étant un utilisateur obsessionnel des applications de messagerie WhatsApp et Telegram, il aiderait forcèment à transformer l’Europe régulatrice des technologies en une Europe innovatrice du numérique, le tout en faisant de la France un champion de « l’hyper-innovation ».

Six mois plus tard, si l’élite technologique européenne devait évaluer le programme numérique de Macron, elle pourrait écrire quelque chose comme ceci : « Très bien au niveau de l’ambition. Encore beaucoup d’efforts à fournir pour atteindre tout son potentiel. »

Les acteurs de l’industrie et autres dirigeants européens font confiance à Macron et ses intentions de faire de l’Europe un acteur mondial de la technologie. Et force est de constater qu’il a galvanisé le débat sur la nécessité de compléter le marché unique de l’UE en matière de numérique, réformé les lois du travail français, annoncé la création d’un fonds d’investissement de 10 milliards d’euros en France et planté la graine d’une « agence de l’innovation » européenne.

Mais grand nombre des promesses de Macron n’ont pas dépassé le stade de simples promesses. Certains opposants lui reprochent d’avoir voulu avancer trop rapidement, exacerbé des tensions entre nations européennes et envoyé des signaux différents aux entreprises technologiques. Un des efforts qu’il mène, ayant produit cette conséquence, est l’initiative française visant à obliger les géants du Web, tels que Google et Facebook, à payer plus de taxes sur les revenus qu’ils génèrent dans les pays européens.

Si Macron était lycéen, son approche aurait pu lui valoir un «hors sujet» avec une note lamentable, qui accompagne le plus souvent cette appréciation.

Ce qui suit est un bulletin de notes attribuées par POLITICO à la politique technologique de Macron. Les notes vont de 0 à 20, à l’image de qui se fait dans un lycée comme Henri IV, où Macron a effectué ses études préparatoires aux grandes écoles.

Allez, bonne chance, Emmanuel.

* * *

Fiscalité

Ce qu’en disent ses professeurs : Comme d’habitude, Emmanuel est sur la bonne voie en termes d’idées. Il a fait preuve d’esprit en s’attaquant brillamment au chantier prioritaire, l’optimisation des impôts prélevés aux entreprises du numérique, et a établi que les gouvernements avaient besoin d’opter pour une meilleure approche. Ses camarades de classe ont tardé à trouver une solution et Emmanuel a donc proposé de commencer à taxer une part du revenu brut de chaque entreprise, directement dans le pays où celui-ci est généré. Grâce à son charme et son éloquence, il a réuni 19 camarades de classe en faveur de sa proposition. Mais quand le reste de la classe a examiné sa résolution, ils ont eu des questions : Pourquoi taxer seulement des entreprises du web ? Les startups ne vont-elle pas en souffrir ? Si l’Europe est la seule région avec une telle taxe, les grandes entreprises technologiques ne vont-elles pas y réduire leurs activités ? Emmanuel a dû revoir son projet à la baisse. Certes, la Commission européenne inclura sa proposition dans une liste de recommandations, qui sera soumise l’année prochaine, pour améliorer la fiscalité sur le plan du numérique. Mais en voulant avancer trop rapidement sur ce sujet, Emmanuel est passé à côté de l’essentiel.

Macron en plein discours lors de l’inauguration du plus grand incubateur de startups au monde, Station F. | Bertrand Guay/AFP via EPA

Ce qu’en disent ses camarades de classe: Certains ont adoré l’approche d’Emmanuel, alors que d’autres ont déclaré qu’elle était injuste vis-à-vis des entreprises du numérique et risquait de donner une image protectionniste à l’UE. « La stigmatisation de plus en plus virulente des plates-formes (basées sur le web) est selon nous quelque peu inappropriée, compte tenu des services qu’elles offrent et de leur popularité chez les français », déclare Loïc Rivière, directeur du lobby TechinFrance. « S’attaquer aux grosses plates-formes technologiques signifie toujours que l’on s’attaque également aux plus petites », rajoute Lenard Koschwitz, directeur des affaires européennes chez Allied for Startups, un autre lobby.

Bilan: Si Emmanuel a, de toute évidence, fait avancer les discussions autour de la fiscalité en matière de numérique, son approche a cependant fait apparaître des divisions. Pour sortir vainqueur des débats, il aura besoin d’affiner ses talents diplomatiques.

Note finale: 9/20

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Investissement

Ce qu’en disent ses professeurs: En plus d’avoir de grandes ambitions, Emmanuel à l’âme d’un poète. En présentant son projet pour les hautes technologies, il a inventé un mot: « l’hyper-innovation. » Toute sa classe a adoré, tout comme la Commission européenne, qui a nommé Paris, capitale de l’innovation européenne, et a doté la ville d’une récompense d’un million d’euros. Les initiés de la technologie ont acclamé la promesse faite par Macron d’attirer plus de fonds de capital-risque pour la tech en Europe, grâce à un fonds français pour l’innovation de 10 milliards d’euros, un fonds franco-allemand de 1 milliard d’euros et une agence européenne de l’innovation, calquée sur la Defense Advanced Research Projets Agency (DARPA) aux Etats-Unis. Mais ils attendent toujours que l’argent tombe. En effet, le fonds de 10 milliards d’euros, financé par la vente d’actifs publics français, ne sera pas opérationnel avant des années, et même une fois/quand que ce sera le cas, seules ses dividendes seront utilisés pour des projets technologiques, pour un montant compris entre 100 et 200 millions d’euros par an. Le fonds franco-allemand est encore au stade d’embryon, tout comme l’agence européenne de l’innovation: une idée certes exaltante, mais rien de plus pour l’instant.

Ce qu’en disent ses camarades de classe: Bien évidemment, l’Europe n’est pas la Silicon Valley lorsqu’il s’agit de capital-risque pour les startups. Mais dans tous les cas, Macron lui fait énormément de bien. En France, il a réformé un code du travail très strict (et source de nombreux maux de tête pour les petites entreprises) et il s’apprête à y réduire les charges sociales et l’impôt sur la fortune, qui est tant décrié. Selon son gouvernement, cela libérera 3 milliards d’euros pour l’économie française et rendra le pays bien plus accueillant pour des investisseurs potentiels. « Macron fait beaucoup pour rendre la France plus attractive aux yeux des investisseurs technologiques. Bien entendu, beaucoup de ces mesures s’appliquent à l’échelle européenne et mettront du temps avant de porter leurs fruits. Mais nous apprécions ces signes positifs, » assure Yves Weisselberger, fondateur de l’application de covoiturage Snapcar.

Pendant ce temps, ses homologues de l’UE espèrent que Macron adoptera une approche paneuropéenne pour l’investissement technologique. S’il choisit de travailler uniquement avec l’Allemagne pour lancer de nouvelles agences ou fonds d’investissement, les pays de l’UE centrale et orientale pourraient se retrouver exclus. « À l’échelle européenne, nous avons besoin de plus de coordination, » affirme Krzysztof Szubert, secrétaire d’Etat polonais au ministère du numérique et négociateur à l’UE.

Macron donne une conférence de presse suivant le Sommet Digital à Tallinn, Estonie, en Septembre 2017. | Janek Skarzynski/AFP via EPA

Bilan : Il faudra un certain temps avant que l’Europe ne puisse se targuer d’avoir une grande écurie de licornes — ces entreprises technologiques évaluées à plus d’un milliard de dollars. Mais les connaisseurs sauront apprécier les signaux favorables que Macron est en train d’envoyer.

Note finale: 13/20

* * *

Marché unique numérique

Ce qu’en disent ses professeurs : Emmanuel est premier de la classe pour ce qui est de parler en public et motiver ses camarades. Sa performance au Sommet numérique de Tallinn à la fin du mois de septembre a ravivé la flamme de l’UE pour le numérique et relancé les discussions sur un certain nombre d’initiatives européennes.

Mais Macron perd des points cruciaux par manque d’originalité. Certains pourraient même l’accuser de copier sur ses petits camarades. La règle qu’il propose pour forcer les plates-formes à devenir plus transparentes, dans leur traitement des plus petits concurrents, est un copier-coller de propositions défendues par son prédécesseur, François Hollande. Au premier abord, ces mesures de transparence – conçues pour empêcher les plates-formes digitales dominantes de déréférencer ou rétrograder leurs concurrents – semblent être une idée originale. En réalité, il s’agit tout bonnement d’une initiative déjà lancée par le précédent gouvernement français, enveloppée dans de nouveaux emballages de relations publiques.

Ce qu’en disent ses camarades de classe : Dans l’ensemble, ils semblent s’accorder sur le fait que leur confrère est sur la bonne voie. Les pays membres sont heureux que quelqu’un de puissant fasse avancer les débats sur le numérique ; et la Commission européenne est heureuse de voir Macron défendre des idées similaires aux siennes, y compris un mécanisme de transparence qui devrait être mis en place au début de l’année prochaine. Comme les Français, la Commission veut accroître le pouvoir de négociation des petits vendeurs de tierce partie.

Là où Macron pêche encore, c’est dans sa défense d’un impôt sur les revenus des grandes entreprises technologiques, que les experts en la matière qualifient comme allant à l’encontre de l’essence-même de la stratégie de l’UE au niveau du numérique. « Cela va briser le marché unique numérique, » soutient un lobbyiste de l’industrie de la technologie à propos des propositions de Macron en termes des grandes plates-formes et de fiscalité. D’autres craignent que de telles tractations camouflent un programme bien moins opportun. « Nous devons faire avancer l’Europe sur le plan du numérique, » déclare un diplomate nord-européen, avant d’ajouter : « Nous suivrons tout cela attentivement pour pas que ça ne se transforme en protectionnisme à la française. »

Bilan : Macron semble saisir le concept de base d’un marché unique numérique, mais ce n’est pas encore clair s’il empruntera une voie plus protectionniste, qui romprait alors des liens avec ses camarades de classe.

Note finale : 15/20

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Source: Politico

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